Qu'ont en commun Bernard Arnault, Warren Buffet, Jeff Bezos, Bill Gates et Larry Page ? D'appartenir au classement Forbes des dix personnalités les plus riches au monde en 2023… et d'être rasés de près. Comme eux, chaque matin après son footing au bois de Boulogne et avant de prendre son métro direction la Défense, Xavier, un trader de cryptomonnaies de 42 ans, allume le moteur de son Philips Prestige Série 9000. « C'est un état d'esprit, une routine que je m'impose pour rester concentré toute la journée et être pris au sérieux en rendez-vous. Oublier de me raser serait comme oublier mon téléphone pro. Je travaille dans un monde de représentation où il faut être propre sur soi. »

S'est-il fait embrigader un soir, en scrollant sur son écran au lieu d'aller se coucher, par ces vidéos de coachs en finance et bien-être qui inondent les réseaux sociaux ? Récemment, l'un d'eux, aux États-Unis, le crâne nu à la Jeff Bezos et en tee-shirt trop moulant, déclarait avec assurance sur son compte Instagram : « Si tu veux travailler pour moi, bien placer tes actions et devenir “successfull”, tu ne peux pas avoir de barbe. » Pourtant, au départ, Xavier, notre normalien, partageait le goût du bitcoin avec l'ex-cofondateur de Twitter, Jack Dorsey, connu pour sa longue barbe hirsute. Finalement, il affiche le visage glabre de son successeur Elon Musk… bien qu'il réfute toute influence venue d'outre- Atlantique. Selon lui, pour bien paraître et réussir professionnellement, la tendance est au visage juvénile, à la chemise en oxford et aux souliers monks dans la ligne de l'homme d'affaires de la City.

Style « low profile »

Et qu'importe si Benjamin, trentenaire consultant en stratégie dans une grande boîte de conseil, se moque de l'employé modèle dans son costume-cravate-rasé « à la Gillette » : « Pour nous les “jeunes”, en interne, il n'y a que quelques “dinosaures” qui mettent encore un point d'honneur à se raser. » A-t-il bien regardé la photo de son codir et autres comités exécutifs des plus grosses entreprises de son pays ? Prenons le cas de LVMH. De Bernard Arnault à Sidney Toledano, en passant par Pietro Beccari et Michael Burke, culturellement, pas un ne se présenterait avec une barbe de trois jours. Il en va de même pour les héritiers, que ce soit ceux de cet empire français (Antoine, 46 ans, Alexandre, 31 ans, Frédéric, 28 ans et Jean, 25 ans) ou de l'Empire britannique (le prince William. Harry étant déchu… et barbu). Même visages lisses adoptés par les grands sportifs de l'époque - de Kylian Mbappé à Roger Federer ou Antoine Dupont, dont la discipline et l'hygiène de vie sont aussi carrées que leur rasage. Il semblerait qu'il faille adopter un style low profile et discret quand on veut tirer les ficelles et brasser des milliards.

L'uniforme costard-rasé est toujours valable, basique mais efficace.

« La barbe de trois jours est aussi une question d'âge, elle fait plus négligée à 50 ans qu'à 30. D'ailleurs peu de grands patrons l'affichent, analyse un de nos confrères, journaliste au Figaro et habitué à s'entretenir avec ces derniers. Je ne suis pas à l'aise quand je ne suis pas rasé, sauf le week-end où je me passe de cette étape, ça me détend autant que de retirer ma veste de costume. Au quotidien, c'est tellement pratique de sortir de chez soi apprêté, sans se poser de questions. Lorsqu'on doit rencontrer des décideurs, souvent à la dernière minute au cours d'une journée, il faut un look passe-partout. L'uniforme costard-rasé est toujours valable, basique mais efficace. Je pense que les “big boss” ont la même logique quand ils se préparent le matin à être face à nous. »