(Illustration: Camille Charbonneau)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Trois plateformes d’échanges ont quitté le pays ces dernières semaines. Le paysage réglementaire de l’Amérique du Nord perd fort de son attractivité, le Canada étant même perçu comme inamical. Dans ce contexte, une ville portuaire canadienne garde bon an, mal an, son aura de havre de paix pour la crypto.
L’écosystème du bitcoin a la bougeotte. Les entreprises crypto cherchent les latitudes les plus clémentes où prospérer. Il faut bien avouer que l’industrie traverse les turbulences de la réglementation, qui se structure assez chaotiquement un peu partout dans le monde.
Le média de référence CoinDesk a en a récemment pris la mesure dans le cadre de son Crypto Hubs 2023, son classement international des meilleurs endroits où bitcoineurs et altcoineurs peuvent «vivre librement et travailler intelligemment».
Première grande économie à permettre aux gestionnaires d’actifs d’émettre des fonds négociés en Bourse avec du bitcoin et de l’ethereum comme actif sous-jacent, le Canada a souvent été cité en exemple pour toute la considération portée à ces technologies émergentes, pour sa législation et sa financiarisation des actifs numériques.
Le climat canadien et l’hydroélectricité canadienne favorisaient l’exploitation des fermes de minage de cryptomonnaies, ces centres de données dont les ordinateurs résolvent des milliards d’équations mathématiques servant à valider et protéger les transactions d’une chaîne de blocs.
Tourisme réglementaire
Les circonstances actuelles marquent dès lors un point de rupture pour le Canada, longtemps perçu comme terre promise des cryptomonnaies. L’absence d’un cadre réglementaire mondial pour la cryptographie a rendu possible, voire impératif, la pratique de l’arbitrage réglementaire. Nombre d’entreprises crypto s’envolent pour Dubaï, qui a créé l’Autorité de réglementation des actifs virtuels, Abou Dhabi qui promet un cadre réglementaire compatible avec la crypto cette année, l’Union européenne, dont le règlement sur les marchés des crypto-actifs (MiCA) offre une certaine clarté et donc sécurité juridique, ou encore Hong Kong où le gendarme financier accepent désormais les demandes de licence pour les plateformes d’échanges crypto.
En mai dernier, la plus grande plateforme crypto de la planète, Binance, avait indiqué se retirer du marché canadien, invoquant une décision proactive faisant suite aux nouvelles directives établies par les régulateurs canadiens. Le chef de file avait ainsi rejoint quelques-uns de ses concurrents plus modestes, Bybit et OKX, dans cette vague d’exode en provenance du Canada.
La ville des «adopteurs précoces»
Les fondateurs de startups et les nomades numériques de l’industrie crypto ne doivent néanmoins pas arrêter leur choix à la réglementation régionale. D’autres facteurs importants doivent aussi entrer en ligne de compte, tels un environnement d’investissement favorable, la facilité de faire des affaires et des impôts peu élevés.
C’est l’approche développée par le classement Crypto Hubs 2023 qui a joué le jeu de l’entrepreneur crypto et analysé différents points de chute où l’infrastructure numérique, la relative «convivialité réglementaire», mais aussi la qualité de vie influencent les choix de s’établir ou s’exiler.
Si le trio de tête se compose sans surprise de la ville suisse de Zoug, du centre financier Singapour ou de la capitale mondiale du Forex Londres, une cité portuaire canadienne apparaît malgré tout en 13e position.
La ville de verre Vancouver abrite de nombreux emplois, entreprises et grands événements liés aux cryptos. La qualité de vie et l’importance des opportunités d’affaires lui permettent de sauver l’honneur pour le Canada. L’adoption crypto y a été précoce : la ville a accueilli le premier distributeur automatique de bitcoins au monde, installé en 2013 par Robocoin, mais aussi les développeurs de Dapper Labs qui ont lancé le phénomène mondial des CryptoKitties, ainsi que des mineurs, dont Hive Blockchain (HIVE).
Disposant d’une importante diaspora asiatique, Vancouver a notamment été revendiquée comme «ville natale» du célèbre CZ, Changpeng Zhao, le fondateur et PDG de… Binance. CZ a déménagé à l’âge de 12 ans en provenance de Chine et a grandi là-bas jusqu’à ce qu’il parte pour l’université à Montréal. Lorsque les médias qualifient CZ de Chinois, Changpeng Zhao les corrige en rappelant sa citoyenneté canadienne.
Sur la sellette
Le fait que les régulateurs du Canada aient resserré les vis pour les opérateurs de crypto, entraînant l’exode très médiatisé des plateformes Bybit et OKX, ainsi que des sociétés de crypto Blockchain.com et Paxos, n’a pas découragé tous les acteurs.
La plateforme américaine Kraken en a profité pour gagner des parts de marché chez nous et contribuer à façonner les futures réglementations.
Pendant ce temps, rappellent les auteurs du classement de Vancouver dans le Crypto Hubs 2023, l’autorité fiscale canadienne est occupée à «mettre à jour» les règles pour la crypto, sans pour autant donner d’orientation précise.
Et la Colombie-Britannique, province de Vancouver, a imposé un moratoire de 18 mois sur les nouvelles opérations minières en décembre 2022, invoquant l’augmentation de la demande d’énergie.
Le dernier «centre crypto» reconnu du Canada serait-il mis sur la sellette ?
Author: Michael Phillips
Last Updated: 1700040122
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